La jeune fille suppliciée sur une étagère
Sous l’impulsion de Cédric Delorme-Bouchard, qui signe autant la mise en scène que la conception visuelle, La jeune fille suppliciée sur une étagère se présente comme une œuvre destinée à un public curieux des formes théâtrales non conventionnelles. L’artiste y orchestre une immersion sensorielle aussi fascinante que déroutante : une atmosphère dense, obscure, volontairement refermée sur elle-même. L’approche esthétique épouse la froideur analytique du texte d’origine, au point que la représentation laisse une impression troublante et persistante.
Le metteur en scène s’est laissé captiver par une nouvelle d’Akira Yoshimura, dont la prose, précise et incisive, l’a profondément marqué. L’écrivain japonais y raconte la fin tragique de Mieko, une adolescente emportée par une pneumonie sous le regard passif de sa famille. Lorsque des employés funéraires se présentent, ils proposent une somme d’argent aux parents démunis pour récupérer le corps de leur fille et l’utiliser comme matériel d’étude.
Le renversement est brutal : Mieko n’est pas morte. Transportée dans un laboratoire universitaire, elle perçoit chaque geste posé sur ce qu’on croit être un simple cadavre. Son récit rend compte, avec une clarté presque surnaturelle, des manipulations médicales qu’elle subit. Ses mots oscillent entre la délicatesse et l’horreur, entre la poésie et une lucidité implacable.
Au fur et à mesure, l’interprétation de Larissa Corriveau prend une portée toujours plus inquiétante. Seule en scène, à l’exception d’un passage où apparaît Jennyfer Desbiens, elle évoque la dissolution graduelle d’un corps encore conscient. Sa présence interpelle, invitant à réfléchir sur les questions de dignité, de limites scientifiques et d’éthique dans le traitement du corps humain.