La cathédrale engloutie
La rencontre artistique entre Rébecca Déraspe et Florent Siaud n’avait jamais eu lieu jusqu’à maintenant. Leur collaboration donne pourtant naissance à La cathédrale engloutie, une œuvre émotive qui explore les ravages du non-dit.
La pièce met en lumière quatre femmes d’une même famille — Jeanne, Marie, Sabrina et Léna — dont les existences ont été façonnées par un secret transmis de génération en génération. Ce fardeau, enveloppé de silence et de frustrations étouffées, finit par interpeller Léna, adolescente au répondant
mordant, déterminée à comprendre ce qui s’est joué dans l’histoire familiale.
En héritant du vieux piano de Marie, son aïeule disparue, Léna découvre des éléments intriguants qui l’amènent à enquêter sur l’événement enfoui ayant marqué la maison blanche aux volets verts. Cette quête l’oblige à revoir la manière dont les femmes de sa lignée ont appris à taire leur colère, à la retenir jusqu’à ce qu’elle éclate.
Sabrina, sa mère — campée avec finesse par Évelyne Rompré — incarne parfaitement cette tension : elle accumule les pirouettes pour éviter d’exprimer ses limites, puis finit par exploser. Léna, jouée par Nahéma Ricci avec intensité, bouscule cet équilibre fragile et provoque un bouleversement général.
Comme à son habitude, Déraspe insuffle de l’humour dans un récit qui aborde pourtant des réalités sombres, notamment la violence conjugale. Elle sait créer un contraste juste entre les scènes lourdes et les moments plus légers, offrant au public un rythme respirable.
Florent Siaud orchestre cette matière avec une mise en scène où le présent et le passé se fondent harmonieusement. Les cinq interprètes naviguent habilement entre les rôles et les époques, soutenus par des projections visuelles saisissantes.
Les rôles masculins, interprétés par Maxime Denommée, Steven Lee Potvin et Jean Marchand, mettent de l’avant une masculinité bienveillante, essentielle dans un récit où la violence des hommes occupe une place déterminante.
Si le début peut désorienter, l’intrigue finit par se préciser et capter totalement l’attention. La conclusion, portée par Debussy, laisse la salle traversée par l’émotion.