Par : Vladyslav Semendyayev
La Commission mondiale pour la politique des drogues prône la décriminalisation et cite le Portugal en exemple
En novembre, la Commission mondiale pour la politique des drogues a fait appel à tous les pays pour décriminaliser les drogues. Parmi les membres de cette commission, il y a le précédent secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, ainsi que les anciens présidents de la Colombie, du Mexique et du Brésil.
Le rapport annuel que la commission a soumis cette année recommande l’arrêt de toute pénalité civile ou criminelle liée au simple usage ou à la possession de stupéfiants. Il critique sévèrement les effets de la «guerre contre les drogues», officiellement entamée par Richard Nixon en 1971. Celle-ci ayant produit d’énormes ravages à travers le monde, entraînant la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes (toxicomanes, civiles et policiers inclus) et l’emprisonnement de millions d’autres. L’objectif de cette guerre était d’éradiquer la vente et l’usage de toutes les drogues illégales, grâce à l’intervention militaire/policière et la punition de toute personne qui en détiendrait ou en produirait. Cette guerre a été très coûteuse, les États-Unis à eux seuls ont déboursé plus d’un trillion de dollars. Mais malgré tous les efforts et les investissements, les stupéfiants n’ont fait que proliférer.
Pour appuyer l’idée de la décriminalisation, la Commission sur les drogues a souligné l’efficacité de la politique sur les stupéfiants au Portugal, où la simple possession n’équivaut pas à une offense criminelle.
En 1999, le Portugal avait l’un des pires problèmes de dépendance dans toute l’Europe : 1% de la population était héroïnomane et le pays avait le plus haut taux de décès sidéens reliés à l’utilisation de drogue. L’État appliquait alors la politique sévère de «la guerre contre les drogues», promue si fortement à l’international. Mais voyant le problème s’aggraver, le gouvernement a décidé de tenter une nouvelle approche.
C’est ainsi qu’à partir du mois de juillet 2001, la possession de faible niveau de toute substance psychotrope n’était plus considérée comme un crime. Ainsi, une personne retrouvée avec une réserve de moins de 10 jours de n’importe quelle drogue n’était pas arrêtée, mais était plutôt demandée de comparaître devant un comité de dissuasion, pour que celui-ci détermine si la personne en question souffrait d’une dépendance. Dans près de 80% des cas, ce comité concluait qu’il ne s’agissait pas d’un cas problématique et laissait donc partir la personne sans la punir. Sinon, il pouvait la référer à un programme de traitement sur base volontaire, lui donner une amende ou lui imposer d’autres sanctions administratives.
Aujourd’hui encore, le gouvernement portugais mise beaucoup sur ses programmes de traitement, pour aider les toxicomanes à se libérer de leur dépendance.En fait, les milliards qui étaient auparavant utilisés pour les poursuivre et les incarcérer ont été réinvestis pour leur réhabilitation. Le gouvernement a décidé de traiter le problème entourant la drogue comme un enjeu de santé publique, choisissant d’aider les toxicomanes, de manière à ce qu’ils lâchent ou réduisent par eux-mêmes leur consommation. Ils reçoivent beaucoup de soutien : avec leurs problèmes émotionnels, la recherche d’emploi, le développement d’amitiés saines, bref, ils sont aidés dans la construction d’une vie plus épanouie.
Quels furent donc les résultats de cette politique? Dans les premières années, le taux d’utilisation de drogues illicites a augmenté légèrement, pour ensuite décliner et atteindre un niveau plus bas que celui précédant la décriminalisation. Aujourd’hui, le Portugal fait partie des pays avec la plus faible prévalence d’usage pour la plupart des stupéfiants. La diminution la plus importante fut celle de la consommation par les adolescents et les personnes dépendantes. D’ailleurs, le problème qu’avait le pays avec l’héroïne s’est beaucoup amoindri. Avant la décriminalisation, le pays comptait près de 100,000 héroïnomanes, aujourd’hui, ce chiffre tourne autour de 50,000 et la plupart d’entre eux sont en traitement. L’infection du VIH attribuable aux drogues a également chuté de 90% entre 2001 et 2016, et le pays possède maintenant l’un des plus bas taux de mortalité liée aux stupéfiants parmi les pays occidentaux : 3 décès par million de personnes, alors que la moyenne de l’Union européenne est de 17,3 par million et que le taux des États-Unis dépasse les 140.
Mais encore, la politique portugaise a résulté en un déclin de plus de 60% des arrestations se rapportant aux drogues et la proportion de personnes incarcérées pour une cause liée aux stupéfiants est passée de 44% en 1999 à 24% en 2013. Les autres types de criminalité ont aussi diminué – les toxicomanes rétablis ou en traitement sont moins enclins à voler pour soutenir leur dépendance très coûteuse et le crime organisé a perdu du terrain à cause de la baisse de la demande. D’autre part, en plus de réduire la prise de drogues et de sauver des vies, la stratégie portugaise a également sauvé de l’argent : le coût par habitant de la politique sur les stupéfiants a diminué de 18% comparé à ce qu’il était avant la décriminalisation. En somme, aider les toxicomanes plutôt que de les incriminer a été non seulement plus efficace, mais aussi moins coûteux.
L’image ci-dessous résume bien l’absurdité de la guerre contre les drogues. Elle compare la politique américaine à celle du Portugal :
Sources : Policy Alliance, The Guardian, Vice News,