Dans les maladies auto-immunes, comme le lupus ou l’arthrite, le système immunitaire attaque par erreur les cellules saines du corps humain. À l’inverse, dans la plupart des cancers, le système immunitaire reste silencieux devant la prolifération de cellules cancéreuses. Un chercheur de l’Université McGill vient de découvrir une molécule-clé dans ces deux phénomènes.
« On connaissait le gène impliqué dans la suppression du système immunitaire », explique Ciriaco Piccirillo, immunologue au centre de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et auteur principal de l’étude parue en juin dans la revue Science Immunology. « Nous avons découvert que la protéine qu’il produit devait être associée à une autre protéine pour une bonne programmation des lymphocytes T régulateurs. »
Les lymphocytes T sont les molécules du système immunitaire qui ciblent les cellules étrangères (ils sont appelés T parce qu’ils se forment dans le thymus, organe situé dans le haut de la poitrine). Certains lymphocytes T, appelés régulateurs, modulent l’activité des véritables soldats, les lymphocytes T cytotoxiques. La nouvelle protéine qu’a découverte le professeur Piccirillo, nommée Tip60, collabore avec celle qui était déjà connue, produite par le gène FOXP3, pour programmer les lymphocytes T régulateurs (Tregs). Les Tregs ont une fonction cruciale pour inhiber l’activation du système immunitaire. Leur mauvais fonctionnement explique en partie les maladies auto-immunes et la prolifération des cancers.
« Les Tregs jouent un rôle dans une panoplie de maladies inflammatoires auto-immunes, comme le diabète infantile, l’arthrite, le lupus ou la sclérose en plaques, précise le professeur Piccirillo. Le système immunitaire n’est pas surveillé et il y a des réactions inflammatoires un peu partout. De l’autre côté du spectre, il y a le cancer, où la régulation est très dominante. Le système immunitaire a de la misère à se lever. »
Les chercheurs de McGill ont déjà un médicament à tester pour contrer les défauts du « tango » entre les protéines FOXP3 et Tip60. « C’est une banque de petites molécules qui viennent modifier l’association de ces deux protéines, explique M. Piccirillo. Nous sommes très excités à l’idée d’employer l’une ou l’autre de ces molécules pour le cancer. Nous testons maintenant au CUSM, dans un microenvironnement tumoral, comment on peut jouer sur l’interaction entre les deux protéines pour moduler le niveau de régulation qu’on veut. On teste à la fois sur des cellules humaines en éprouvette et sur des modèles animaux. Une étude préclinique de phase 1 est envisagée l’an prochain. »
Son équipe planche aussi sur une thérapie cellulaire qui réinjecterait aux patients des versions corrigées des protéines Tip60 défectueuses. La découverte pourrait aussi être appliquée aux premières phases de l’infection au VIH, quand le virus favorise la suppression du système immunitaire pour proliférer et ensuite tuer la plupart des lymphocytes T.
Source : La Presse +