L’enseigne Cœur Paysan est gérée par 35 fermiers fondateurs qui font le pari de la qualité et fixent eux-mêmes les prix des produits. Ouvert l’an dernier, le magasin réalise ses premiers bénéfices et fait des émules.
Depuis près d’un an maintenant Denis Digel, maraîcher depuis plusieurs générations, dépose directement ses légumes dans une grande surface de Colmar, en Alsace. Il s’y rend plusieurs fois par semaine pour y vendre directement ses légumes aux consommateurs dans ce temple de la filière courte.
Le magasin, baptisé Coeur Paysan, est en effet directement géré par les paysans. L’an dernier, 35 agriculteurs du Grand-Est se sont regroupés pour racheter un magasin Lidl. «Je pratique la vente au détail depuis longtemps et j’en avais assez de livrer mes produits à la grande distribution», explique Denis Digel, le maraîcher à l’initiative du projet. Il met notamment en cause la pression perpétuelle exercée par les grandes surfaces sur les prix et les services, «d’autant que la situation ne cesse de se détériorer», confie l’agriculteur. Avec 33 paysans, il a ainsi racheté un ancien magasin Lidl «pour livrer le consommateur directement». Ils ont collectivement financé des travaux pour transformer les lieux et en faire un vaste marché permanent.
Et le concept a séduit. Dès la première année, les agriculteurs sont parvenus à atteindre leurs objectifs avec 2,5 millions d’euros de chiffre d’affaires et un bénéfice. «Des habitudes se sont créées avec les clients qui sont fidèles et heureux de trouver un savoir-faire local», précise Denis Digel. Le succès est tel que des agriculteurs et des élus de toute la France ont sollicité les initiateurs du projet pour les aider à monter des magasins similaires. Les fermiers de Cœur paysan ont ainsi décidé de s’organiser pour aider des paysans à monter des structures similaires car «si ça a marché pour nous, ça devrait marcher pour d’autres. On a créé une locomotive et des wagons pourront s’y raccrocher», indique le maraîcher.
Le succès du magasin tient à sa spécificité, celle de proposer une diversité de produits, de valoriser les savoir-faire ancestraux des producteurs, ceux dont la grande distribution ne veut pas «où tout est calibré et standardisé», affirme le maraîcher. Lui-même cultive 35 sortes de tomates, mais les supermarchés ne «lui en prennent que deux sortes». L’épicerie sélectionne en outre les produits locaux, issus de fermes situées à moins de 40km du magasin. La présence des producteurs est aussi très appréciée par les clients. Les consommateurs y voient un moyen d’obtenir une transparence totale sur ce qu’ils achètent. «C’est la fin de l’anonymat alimentaire», souligne Denis Digel. Pour les producteurs, l’échange est aussi très important. «On a besoin du retour du consommateur, c’est valorisant et puis nous adaptons, si possible, notre offre à leur demande. Par exemple, des clients ont demandé des nems au volailler pour le nouvel an chinois. Ils ont tous été écoulés!», indique Denis Digel.
Source : Le Figaro