L’essor des monnaies locales
Si la France est le pays des 1 500 fromages, elle est aussi le pays des 82 Monnaies Locales Complémentaires (MLC). Dans le monde, il en existerait 15 000 alors qu’il n’y en avait que deux dans les années 1980. Loin de remplacer les monnaies nationales, elles les complètent en favorisant les échanges locaux et les commerces bioéthiques.
Comment ça marche ?
Depuis 40 ans, les monnaies locales sont en plein boom. Pourtant, seule la France leur reconnaît et leur offre un cadre légal. Ailleurs, elles se multiplient en profitant d’un flou juridique. Néanmoins, les milliers de MLC partagent de nombreux points communs. Elles apparaissent généralement à l’initiative de groupes associatifs et peuvent s’échanger sur un territoire restreint : quelques communes, voire une ville. La Normandie est la seule région au monde à avoir créé sa propre monnaie et à permettre son utilisation dans tout le territoire. En plus d’être limitées géographiquement, les monnaies locales ne peuvent être utilisées que dans certains commerces. Ces derniers doivent répondre aux critères des associations : écologique, social, local ou équitable. Ainsi, les grandes enseignes en sont exclues.
Les MLC ont aussi en commun leurs fonctionnements en circuit fermé et donc cet ensemble monétaire ne se dilapide pas ailleurs. Néanmoins, commerçants et particuliers peuvent changer leurs MLC contre la monnaie nationale moyennant une commission. Celle-ci finance la création et la régulation de la monnaie. De manière générale, les MLC sont adossées aux monnaies nationales. Par exemple, l’Eusko basque équivaut à un euro. La livre de Bristol équivaut à la livre sterling. En plus de faciliter les conversions monétaires, cette valeur fixe évite toute spéculation.
Enfin, la majorité des MLC perdent de la valeur si elles ne sont pas utilisées. Les commerçants et les particuliers sont donc incités à consommer plutôt qu’à épargner. La monnaie et donc le pouvoir d’achat circulent de mains en mains plus rapidement que les devises traditionnelles.
Quelles conséquences ?
Si les monnaies locales incitent à la consommation, elles favorisent surtout les dépenses responsables. Les devises locales mettent en valeur les produits du terroir et les artisans locaux et permettent d’économiser la pollution liée au transport. De plus, les producteurs sélectionnés répondent à des préoccupations environnementales et éthiques. Exit les pesticides et la production intensive donc. Grâce à l’injection de ces devises, les commerces concernés profitent d’une hausse de la demande pour leurs productions.
La valorisation de ces produits typiques permet aux territoires de conserver, voire de promouvoir, leurs spécificités régionales. Quand la consommation mondialisée entraîne une uniformisation des cultures, la consommation locale entretient l’unicité et la diversité. Ainsi, l’Eusko a pour objectif de revitaliser la langue basque. Les commerces concernés placardent des affiches en français et en basque pour indiquer qu’ils acceptent l’Eusko. Il est aussi précisé si le personnel est bilingue. Pour l’ensemble des participants et des particuliers, les monnaies locales renforcent le sentiment d’appartenance à un territoire, à une identité et à des valeurs communes.
Aujourd’hui, les 82 monnaies locales françaises représentent un capital de cinq millions d’euros. Loin de concurrencer l’euro, elles viennent compléter la devise européenne. Les MLC permettent une réappropriation citoyenne de la monnaie et de sa dimension militante.
Par ailleurs, ces monnaies offrent une plus grande sécurité économique. Une consommation locale réduit les risques d’une baisse des échanges à l’issue d’une crise économique, politique ou sanitaire. De plus, les MLC sont imperméables à la spéculation financière, vecteur d’instabilité économique.
Malgré une prise de conscience environnementale, il est souvent difficile de faire évoluer ces modes de consommation. La bonne volonté n’est parfois pas suffisante. Les monnaies locales facilitent et encouragent une consommation plus responsable. Loin de concurrencer les devises traditionnelles, elles les complètent. Bernard Lietaer, économiste et cofondateur de l’Euro, appelait à une révolution financière : « d’une monoculture monétaire à un écosystème monétaire ».
Global Goodness vous suggère : Bristol, ville de la plus importante monnaie locale du Royaume-Uni