Une nouvelle molécule permet de détecter la maladie et d’en suivre l’évolution, une première à l’échelle mondiale.
Depuis plus de 100 ans, la maladie d’Alzheimer donne du fil à retordre aux chercheurs. «Des milliards de dollars ont été investis par les compagnies pharmaceutiques et les gouvernements dans la recherche, mais rien de concluant n’a émergé parce qu’on a du mal à identifier la maladie avec certitude», rapporte Marc-André Bédard, professeur au Département de psychologie. Le chercheur vient de publier ses résultats les plus récents dans la revue Molecular Psychiatry, qui appartient au prestigieux groupe Nature. Ceux-ci portent sur une nouvelle molécule pouvant servir de biomarqueur pour à la fois détecter précocement et quantifier la sévérité de la maladie d’Alzheimer, une première à l’échelle mondiale.
«Comment tester efficacement des traitements si on n’est pas en mesure de diagnostiquer la maladie avec précision?»
MARC-ANDRÉ BÉDARD, Professeur au Département de psychologie
L’impasse de l’amyloïde beta
Lorsque le Dr Alois Alzheimer a décrit la maladie pour la première fois, en 1906, il a noté la présence dans le cerveau de deux types de protéines : l’amyloïde beta et la protéine tau. «Au cours des 20 dernières années, les recherches se sont concentrées principalement sur l’amyloïde beta. On a ainsi découvert plusieurs biomarqueurs de cette protéine, explique Marc-André Bédard. Le problème, c’est que les sujets sains ont aussi de l’amyloïde beta dans le cerveau à partir de l’âge de 60-65 ans. Les biomarqueurs génèrent donc fréquemment des faux positifs.»
L’autre problème avec l’amyloïde beta, c’est qu’elle est liée à un effet plafond. «Même si vous êtes subtilement atteint par la maladie d’Alzheimer, nous retrouverons une très grande quantité d’amyloïde beta dans votre cerveau. Cela implique qu’un traitement ne pourrait pas être correctement testé avec un biomarqueur de cette protéine, car l’effet plafond empêcherait de détecter s’il y a détérioration ou amélioration de votre condition.»
La mort cellulaire
Devant cette impasse, Marc-André Bédard a voulu explorer une autre avenue. «Alzheimer avait aussi décrit un troisième élément caractérisant cette forme de démence et celui-ci demeure sans aucun doute le plus négligé par la communauté scientifique. Il s’agit de la mort cellulaire, qui est directement corrélée à la symptomatologie des patients.» Le chercheur s’est donc attelé à la tâche de créer un outil capable de détecter et de quantifier correctement la mort cellulaire associée à la maladie d’Alzheimer.
Au cours des 15 dernières années, Marc-André Bédard et son équipe de l’Institut neurologique de Montréal ont développé une méthode novatrice utilisant une molécule, le Fluoroethoxybenzovesamicol (FEOBV) en combinaison avec un radio-isotope (18F). «La méthode s’avère fiable et sensible pour détecter des lésions, même très faibles, de certaines cellules cholinergiques que l’on sait être touchées dans la maladie d’Alzheimer, explique le chercheur. La molécule [18F]FEOBV se fixe à une protéine spécifique des cellules cholinergiques et, par imagerie cérébrale, on peut la retracer, ce qui nous permet d’identifier précocement et de quantifier le degré de sévérité de la maladie.»
La nouvelle molécule a été dûment testée en laboratoire. «Il a fallu démontrer la stabilité chimique du produit, ainsi que sa fiabilité, sa sensibilité et son innocuité chez le rongeur et le primate, avant de la tester ultimement chez l’humain», raconte le chercheur, qui fut le premier à se faire injecter le produit en 2015!
Marc-André Bédard est fier du travail accompli par son équipe de recherche. «C’est assez rare dans le milieu universitaire qu’un chercheur mène ce type de recherche d’un bout à l’autre, c’est-à-dire de la synthèse du produit jusqu’à l’essai clinique chez l’humain, dit-il. Il a fallu me battre contre vents et marées pour convaincre l’establishment médical et l’industrie pharmaceutique qu’un psychologue pouvait mener à bien une telle aventure.» Il ajoute aussi que sans l’étroite collaboration de ses collègues chimistes, médecins, et ingénieurs de l’Institut neurologique de Montréal, le projet n’aurait jamais abouti.
Source : Actualités UQAM