L’économie de l’Inde : Miracle ou mirage ?
Je rentre d’un voyage de 25 jours en Inde, un pays que j’ai bien connu, dont je parle une des langues (hindi), y ayant habité de 1971 à 1975 et où un de mes fils est né en 1982. J’y retournais, entre autres raisons, pour GoodnessTV.org, un Youtube humanitaire que j’ai fondé il a quelques mois.
Au travers des rencontres organisées avec des ONG locales, j’ai pu constaté à quel point le développement économique de l’Inde se fait d’une manière totalement anarchique et improvisée avec pour conséquence une dégradation importante de la qualité de vie de centaines de millions d’Indiens qui en sont carrément exclus.
Inde, le géant aux pieds d’argiles
Le miracle économique Indien, avec ses taux de croissances de 8 % à 10 % par année, fait la manchette. La technologie y est omniprésente (30 millions d’Indiens s’abonnent au téléphone cellulaire chaque mois !). On trouve des McDonald’s et des Pizza Hut dans les grandes villes; Delhi possède même un métro à la fine pointe de la modernité et les rues des grandes villes sont totalement encombrées de voitures et de motos de toutes marques. Mais ces îlots de « modernité » cachent une autre Inde dont les élites locales parlent peu : un pays aux infrastructures défaillantes et où plus de 700 millions d’Indiens vivent avec moins d’un dollar par jour.
Ce miracle économique que le Nord ne cesse de vanter m’apparaît, à bien des égards, tenir davantage du mirage économique. Une situation entretenue, d’une part, par les élites locales avides de pouvoir et d’argent et, d’autre part, par des économies occidentales fragilisées en quête de marchés pour l’exportation. En transit à Paris, la lecture des comptes rendus de la mission commerciale conduite par le premier ministre Charest n’a rien fait pour me rassurer.
Pour un engagement responsable!
Certains affirment qu’il y a 25 millions d’habitants à Delhi, bien que personne ne soit véritablement en mesure de les compter. Ni à Delhi ni dans aucune autre grande ville indienne puisqu’on trouve dans chacune d’elles des millions de gens vivant dans des campements improvisés faits de bouts de planches, de morceaux de tôle et de toiles en lambeaux. Ces « slums » n’ont ni eau courante, ni électricité, ni égouts. Ils sont sillonnés d’étroites ruelles en terre jonchées d’ordures et d’excréments qui, durant la mousson, se transforment en véritables pistes de boue infectes.
J’ai eu le privilège de rencontrer les dirigeants de Yuva, un organisme communautaire qui, entre autres, forme de jeunes cinéastes issus des « slums » et qui tournent des documentaires sur la vie dans ces bidonvilles. Selon eux, les politiciens nient jusqu’à l’existence même de ces « slums » pour ne pas avoir à s’en occuper. Sinon ils devraient leur offrir des services comme à tous les autres citoyens. À la question de savoir qu’elle était la relation entre les politiciens et les « slums lords », on m’a simplement répondu qu’il s’agissait souvent des mêmes personnes!
Le premier ministre Charest et les entreprises québécoises doivent prendre en compte les conséquences de notre implication commerciale avec l’Inde. Que nous participions au développement de l’Inde et que nous en tirions un bénéfice, soit, mais nous devons être conscient des impacts de nos actions sur l’ensemble de la population. Nous devons faire en sorte que nos investissements soient accompagnés de programmes et de mesures visant à réduire les impacts sur une population qui mérite d’avoir une qualité de vie égale à la nôtre.
Sources : LaurentImbault
Images : Photo by Naveed Ahmed on Unsplash
Votre texte est fascinant.
Je suis à Abidjan présentement.
Cette ville est à notre sens très développée pour une ville africaine. Si les Français ont choisi la Côte d’Ivoire comme pays de prédilection à l’époque de la colonisation, ils sont toujours aussi influents au point de vue économique dans le pays et même depuis l’indépendance.
La population ne s’en retrouve pas plus nanti pour sa majorité. La saleté est partout. Le taux de chômage frôle le 75 pour cent. Le pays est dévasté par les mêmes problèmes politiques, identitaires qu’en 2002.
Pourtant, la publicité est partout, les voitures ne se comptent plus tellement elles sont nombreuses, tout le monde a une télé à la maison, l’oligopole de la téléphonie cellulaire est similaire à celui que l’on retrouve chez nous à Montréal.
J’observe ici que le développement se présente plus comme une façade qu’une réalité.
Bien que l’Inde soit reconnu comme un pays émergent bien plus important que la Côte d’Ivoire, je remarque des similarités entre votre propos et mes observations.