Tableau d’une exécution
Le Théâtre du Rideau Vert ouvre sa programmation d’automne avec Tableau d’une exécution, une pièce de l’écrivain britannique Howard Barker, traduite par Jean-Michel Déprats et portée à la scène par Michel Monty. L’action nous ramène à Venise, peu après la bataille de Lépante, où l’artiste Galactia reçoit la commande d’une immense fresque destinée à glorifier une victoire navale. Mais plutôt que de céder à la propagande, elle choisit de représenter la douleurhumaine engendrée par le conflit.
Écrite dans les années 1980, l’œuvre soulève des thèmes universels : la violence, les rapports de domination, la manipulation des foules et la fonction de l’art dans une société traversée par les crises. Bien qu’ancrée au XVIᵉ siècle, l’intrigue résonne encore fortement dans le présent.
Galactia apparaît comme une figure insoumise qui refuse de taire les injustices. À travers son pinceau, elle dénonce et provoque, rappelant des artistes comme Artemisia Gentileschi, contrainte de s’affirmer dans un monde hostile aux femmes. Pour Sylvie Drapeau, qui incarne cette héroïne, Galactia est habitée par une force proche de la « volonté de puissance » décrite par Nietzsche : non pas dominer, mais dépasser les limites imposées.
Face à elle, sa fille Supporta, jouée par Anne-Marie Binette, incarne une sensibilité plus prudente, soucieuse de préserver liens familiaux et reconnaissance sociale. Leur relation, faite d’amour et de heurts, illustre deux façons opposées de se battre pour la place des femmes.
La mise en scène réunit une distribution nombreuse et diversifiée, chacun des interprètes apportant une nuance particulière à cette fresque théâtrale. L’énergie collective des répétitions a créé un climat de solidarité qui transparaît sur scène.
À la fois tragique, ironique et philosophique, Tableau d’une exécution propose une réflexion sur la liberté de création, les contradictions du pouvoir et la quête de vérité. Le spectacle, riche en ambiguïtés et ouvert aux interprétations, promet de laisser une empreinte durable dans l’esprit du spectateur.